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Loi Badinter : reconnaissance de l’implication d’un tracteur dans un accident de la circulation malgré la distance entre l’accident et le lieu d’immobilisation du tracteur

La loi Badinter est toujours autant d’actualité. La caractérisation de l’implication d’un véhicule terrestre à moteur (VTAM) dans un accident de la circulation au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 est largement admise. L’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 16 janvier 2020, en est une illustration. Ainsi, celle-ci n’est pas écartée lorsque le VTAM est immobile et à distance du lieu de l’accident.

Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, no 18-23787

Extrait :

<p(…)

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 20 avril 2018), que H. L. a été victime, le 18 août 2004, d’un accident de la circulation des suites duquel il est décédé ; que Mmes R. L. et Q. L., respectivement mère et sœur du défunt, soutenant que le tracteur conduit par M. S. B. et appartenant à M. M. B. était impliqué dans l’accident, ont assigné ces derniers en réparation de leurs préjudices ;

Attendu que MM. S. et M. B. (les consorts B.) font grief à l’arrêt de les condamner in solidumà verser à Mme R. L. une somme de 20 000 € et à Mme Q. L. une somme de 9 000 € en réparation de leur préjudice d’affection, alors, selon le moyen, que le procès-verbal établi par les services de gendarmerie à la suite de l’accident indiquait que celui-ci s’était produit quelques centaines de mètres après l’endroit où était immobilisé le tracteur ; que les consorts B. faisaient valoir qu’il en résultait que la fuite d’huile ayant affecté le tracteur ne pouvait être à l’origine de l’accident ; qu’en retenant que les affirmations selon lesquelles la présence d’huile provenant du véhicule des consorts B. était impossible, n’étaient étayées par aucune constatation matérielle, pour en déduire que les consorts B. contestaient vainement la présence d’huile sur le lieu où s’était produit l’accident et, « partant », l’implication de leur véhicule, sans rechercher à quelle distance de l’accident le tracteur se trouvait et si cette distance n’excluait pas le lien de causalité entre la fuite d’huile subie par le tracteur et l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 ;

Mais attendu qu’ayant exactement rappelé, par motifs adoptés, qu’est impliqué, au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tout véhicule ayant joué un rôle quelconque dans la réalisation d’un accident puis constaté que le véhicule de H. L. avait dérapé sur la chaussée rendue glissante par la présence d’huile « répandue involontairement » par le tracteur conduit par M. S. B., la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par le moyen, en a déduit à bon droit que le tracteur était impliqué dans l’accident ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi ;

(…)

Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, no 18-23787

1. L’application de l’article 1er de la loi du 5 juillet 19851, dite loi Badinter, est une nouvelle fois au centre des attentions. En effet, la caractérisation de l’implication du VTAM dans un accident de la circulation peut être sujette aux débats compte tenu de la souplesse de la notion comme le rappelle l’arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 16 janvier 2020.

2. Dans les faits, un véhicule a dérapé sur une chaussée devenue glissante par la présence d’huile. Le conducteur du véhicule, victime de cet accident, est décédé.

3. La mère et la sœur du défunt ont assigné en indemnisation de leurs préjudices le conducteur ainsi que le propriétaire d’un tracteur affecté d’une fuite d’huile et immobilisé à proximité du lieu de l’accident. Le 20 avril 2018, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a reconnu l’implication du tracteur dans la réalisation de l’accident, au sens de l’article 1er de la loi Badinter, et a condamné in solidumle conducteur et le propriétaire du véhicule en réparation du préjudice d’affection subi par les parentes de la victime de l’accident.

4. Le conducteur et le propriétaire du tracteur ont formé un pourvoi en cassation. Selon le moyen du pourvoi, ils ont défendu que la distance entre le lieu de l’accident et la position du tracteur immobile affecté d’une fuite d’huile rendait impossible l’implication de ce dernier dans l’accident puisque celui-ci s’est produit, selon le procès-verbal des services de la gendarmerie, à une distance conséquente du lieu de stationnement du tracteur. De plus, aucune recherche n’a été effectuée pour savoir si cette distance écartait tout lien de causalité entre le tracteur affecté d’une fuite d’huile et l’accident.

5. La question est de savoir si la distance entre l’endroit où est immobilisé un tracteur, affecté d’une fuite d’huile, et le lieu d’un accident, ainsi que l’absence de preuves du rôle de l’huile dans l’accident peuvent exclure l’implication du VTAM au sens de l’article 1er de la loi Badinter.

6. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en rejetant le pourvoi. Cet arrêt démontre que l’implication d’un VTAM dans un accident de la circulation au sens de l’article 1er de la loi Badinterest admise largement. Qu’importe la distance, du moment qu’un VTAM a eu un rôle dans l’accident.